Atlas des Sports

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Le surf fédéral en France : une activité sportive de moins en moins « régionalisée »

par Christophe Guibert

planche publiée le 28 juin 2023

Si la pratique du surf en France s’est concentrée en Aquitaine entre la fin des années 1950 et celle des années 1990, les deux dernières décennies attestent progressivement de la visibilité d’autres régions françaises tant sur le plan de la pratique que de ce qui l’entoure (événementiel, entreprises spécialisées). Sans que sa diffusion spatiale concerne tous les littoraux français, l’essor du surf hors Nouvelle-Aquitaine remet en cause les propriétés d’un sport longtemps géographiquement cristallisé.

De l’hyperlocalisation de l’institutionnalisation du surf en France

1L’histoire du surf en France témoigne de la place singulière de la région Aquitaine. C’est en 1956 que les premières vagues sont surfées en France, à Biarritz. C’est sur ce littoral que s’est institutionnalisé primitivement le surf en France et où se déroule la majorité des manifestations d’envergure nationale et internationale. La Fédération Française de Surfing (FFS) est créée en mars 1964 à Biarritz, sous l’impulsion de Joël de Rosnay, un des premiers surfeurs français, puis d’André Dedieu, responsable du « Waikiki Surf Club » de Biarritz et de l’Union Sportive de Biarritz. La FFS, qui obtient l’agrément ministériel français en 1966, est une des rares fédérations sportives françaises à ne pas avoir son siège à Paris, mais à l’Hôtel de Ville de la station balnéaire basque. Sous la direction de Guy Petit, maire-sénateur de Biarritz de 1964 à 1968, elle parvient progressivement à organiser la pratique du surf. La Fédération compte alors quatre clubs situés dans les Pyrénées-Atlantiques, dont trois à Biarritz, et deux dans les Landes (à Hossegor). Elle se délocalise vers Hossegor en 1981, à la faveur d’intérêts politiques municipaux : une partie du local des maîtres-nageurs de la plage centrale d’Hossegor est libérée au profit de la FFS, avant que l’ensemble des locaux lui soient proposés au milieu des années 1980.

2En 1977 pour la première fois, les Championnats de France de surf sont organisés hors des départements des Landes ou des Pyrénées-Atlantiques, mais toujours sur le littoral aquitain, à Lacanau. Puis, lors de la décennie suivante, la Fédération entame une politique d’expansion hors de la région Aquitaine. Les Championnats de France en 1986, puis d’Europe en 1987, sont ainsi organisés aux Sables-d’Olonne en Vendée. L’organisation quasi-exclusivement en Aquitaine des championnats nationaux et internationaux des années 1960 au milieu des années 1980 contribue à marquer géographiquement la modalité compétitive du surf, même si la décennie 2000 atteste d’une diversification (figure 1). Pendant deux décennies et demie, l’espace du surf fédéral français est en réalité une affaire régionale. L’origine géographique des présidents successifs de la FFS, tous aquitains, permet de maintenir cette prédominance territoriale. Le surf fédéral et le poids de son histoire, les compétitions professionnelles, les associations, mais également les entreprises multinationales du « surfwear » ou encore les artisans-shapers ont longtemps contribué à identifier le littoral aquitain au surf.

Figure 1 : L'organisation des championnats de France du surf (1964-2019): la prédominance de l'Aquitaine

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Sources : Fédération Française de Surf.

Vers une « dé-régionalisation » progressive

3L’approximation des données relatives au nombre de surfeur.e.s témoigne de la difficulté à objectiver avec précision la pratique hors du cadre fédéral. Pour les médias spécialisés, ce sont dorénavant plusieurs centaines de milliers de pratiquants qui sont dénombrés en France. Une des particularités de la pratique du surf est que le ratio licenciés / pratiquants « libres » est très faible. En 2018, sur 76 200 licences, 60 000 titres « loisirs » ont été délivrées à la clientèle touristique (principalement estivale), ce qui positionne le surf comme un sport peu fédéralisé.

4Si les données statistiques fédérales du surf mettaient en évidence de nettes disparités selon les régions jusque dans les années 2000, la tendance est depuis au rééquilibrage. En 2000, les comités départementaux représentant l’Aquitaine comptaient, en effet, pour près de 73 % des effectifs globaux contre 52 % en 2015. Par ailleurs, en 2022, la région Nouvelle-Aquitaine ne compte plus que 35 % des associations sportives affiliées à la FFS, soit 70 sur 199 (figure 2). C’est notamment la région Bretagne qui occupe une place de plus en plus importante dans l’espace français du surf, combinant croissance des effectifs licenciés, maillage associatif toujours plus dense (36 associations en 2022) et multiplication de sportifs classés sur les listes de haut niveau du Ministère des Sports.

Figure 2 : Répartition des clubs de surf affiliés à la FFS en 2022

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Sources : Fédération Française de Surf, 2022.

5Au-delà des données quantitatives, d’autres mécanismes attestent la dé-régionalisation du surf en France, à tout le moins son ouverture à l’ensemble des territoires. Les événements liés à la supposée « culture » du surf se multiplient hors des frontières aquitaines, tels les festivals de film de surf et les expositions (Paris, Brest, Guidel, etc.), mais aussi les compétitions (Championnats de France aux Sables-d’Olonne en 2021). Le recrutement au début des années 2010 d’un cadre technique national (« Structuration/Développement de la façade atlantique [hors Aquitaine] et Méditerranée »), la localisation des entreprises (écoles commerciales, artisans-shapers, etc.), l’ouverture d’un second pôle espoir de la FFS situé en Bretagne en 2001 contribuent à déterritorialiser cette activité sportive historiquement adossée à une région. L’organisation des épreuves de surf aux Jeux Olympiques de Paris 2024 sur la vague de Teahupo’o à Tahiti, et non sur le littoral aquitain (comme escompté par plusieurs communes candidates), parachève encore un peu plus cette ouverture à la fois spatiale et symbolique.

Pour citer ce document

Christophe Guibert, 2023 : « Le surf fédéral en France : une activité sportive de moins en moins « régionalisée » », in L. Lestrelin, Y. Le Lay, F. Madoré, S. Loret & S. Charrier Atlas des Sports [En ligne], eISSN : 2971-4133, mis à jour le : 05/07/2023, URL : https://atlas-des-sports.science:443/index.php?id=541, DOI : https://doi.org/10.48649/asds.541.

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Bibliographie

Fédération Française de Surf, Eurosima, GIP Littoral Aquitain, Diagnostic de la filière surf en Nouvelle-Aquitaine, 2017.

Guibert C., L’univers du surf et stratégies politiques en Aquitaine, Paris, L’Harmattan, 2006.

Guibert C., (dir.), Les mondes du surf. Transformations historiques, trajectoires sociales, bifurcations technologiques, Bordeaux, Éditions MSHA, 2020.

Suaud C., « Espace des sports et espace social comme voies d’accès à la pratique sportive », ESO Travaux et documents, n°35, 2013, p.141-147.

Site Internet de la Fédération Française de Surf, https://www.surfingfrance.com/

Site Internet de l’INJEP, rubrique « Publications », https://injep.fr/publication/les-chiffres-cles-du-sport-2020/

Index géographique

Christophe Guibert

Professeur des Universités en sociologie, Université d'Angers, UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO-Angers)

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Résumé

Si la pratique du surf en France s’est concentrée en Aquitaine entre la fin des années 1950 et celle des années 1990, les deux dernières décennies attestent progressivement de la visibilité d’autres régions françaises tant sur le plan de la pratique que de ce qui l’entoure (événementiel, entreprises spécialisées). Sans que sa diffusion spatiale concerne tous les littoraux français, l’essor du surf hors Nouvelle-Aquitaine remet en cause les propriétés d’un sport longtemps géographiquement cristallisé.

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