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La course à pied est en plein développement en France depuis quelques décennies et cette pratique s’accompagne d’une multiplication d’épreuves dans de nombreux territoires. Toutefois, les logiques géographiques à l’origine de la diffusion spatiale du phénomène n’ont jamais été analysées. L’analyse à l’échelle départementale fait ressortir une densité d’épreuves de courses à pied bien plus importante dans les départements les plus ruraux, en particulier ceux situés dans la moitié méridionale de l’hexagone.
Le running : une pratique massive à géométrie variable
1La course à pied fait partie des activités physiques les plus prisées des Français. Selon le baromètre du running de la Fédération française d’athlétisme (FFA) développé par Sportlab, 12 millions de nos concitoyens en seraient des adeptes réguliers (au moins une fois par semaine) en 2016. Cette massification de la pratique répond à des motivations variées, entre recherche de la performance sportive, quête d’hédonisme ou encore réponse à une forme d’injonction consistant à bouger physiquement pour bien se porter. Toutefois, cette massification du running est loin d’être uniforme socialement, avec toujours une surreprésentation des pratiquants issus des classes supérieures, alors qu’à l’inverse les inégalités de genre s’atténuent.
2Cette pratique massive du running s’accompagne d’une multiplication des courses : 6 748 ont été organisées en 2018 sous l’égide de la FFA. C’est dire combien ces manifestations sportives innervent largement les territoires et témoignent de leur dynamique associative, puisque 90 % d’entre elles environ sont organisées par des associations sportives locales. Il n’est pas rare que cette animation territoriale comporte une dimension patrimoniale et touristique, lorsque le ou les parcours proposés sont l’occasion de découvrir ou de mettre en valeur les qualités paysagères et architecturales du territoire d’inscription de la course.
Le rôle de la ruralité principalement et de la latitude
3Si la sociologie des adeptes du running et leurs motivations à pratiquer cette activité ou à s’inscrire sur des épreuves longues (marathons ou ultra-trails) ont été étudiées, ainsi que les retombées économiques des grandes épreuves, les traits géographiques dessinés par cette répartition des courses à pied en France restent à explorer. Une base de données des épreuves organisées en France en 2017 a ainsi été créée, en explorant différents sites Web ayant vocation à faire connaître l’offre de courses.
4Afin de mieux comprendre l’inégale répartition des courses à pied, un modèle de régression a été testé, cherchant à expliquer les variations spatiales de la densité d’épreuves, donc le nombre de courses pour 100 000 habitants à l’échelle des 96 départements français métropolitains. Cinq jeux de variables susceptibles de rendre compte de ces variations ont été introduits dans le modèle : des variables géographiques (position en latitude et longitude, distance au littoral, altitude moyenne, ensoleillement), de peuplement (population, densité, taux urbanisation ou de population rurale, nombre et taille moyenne des communes), touristiques (offre et fréquentation touristiques), sociodémographiques (groupes d’âge, catégories socioprofessionnelles, chômage, niveau de vie) et sportives (nombre de licenciés sportifs, nombre de licenciés et de clubs FFA).
5Les résultats de cette régression montrent que les départements les plus ruraux ont tendance à avoir une densité de courses à pied supérieure, en particulier ceux situés dans la moitié méridionale de l’hexagone (figures 1 et 2), ce qui n’est pas sans lien avec l’engouement pour les courses nature. 53 % de la variance, donc des inégalités géographiques de densité de courses à pied, est expliquée par ces deux variables (proportion de population rurale et latitude), la première expliquant à elle seule quasiment la moitié de la variance.
Figure 1 : Densité de courses à pied en 2017 (carte de gauche) et proportion de population vivant dans une commune rurale (carte de droite) à l’échelle des départements métropolitains français
Figure 2 : Relation entre la densité de courses à pied et la proportion de population vivant dans une commune rurale à l’échelle des départements français métropolitains en 2017
6Dans les 20 % de départements ayant la plus forte densité de courses à pied, la population se répartit à part égale entre l’urbain et le rural, alors que les 20 % ayant la plus faible densité sont très fortement urbanisés (86 %). Fort logiquement, les seconds sont cinq fois plus peuplés que les premiers (1,378 million habitants contre 0,289 million) : on y trouve à la fois les huit départements franciliens et, dans les onze autres départements, sept ont une métropole de plus de 400 000 habitants. En revanche, la présence d’une telle métropole est totalement absente dans le cinquième de départements ayant la plus forte densité de courses à pied.
7La position en latitude joue également un rôle : sur les 20 % de départements ayant la densité la plus élevée de courses, quinze sur les dix-neuf sont situés dans les cinq régions de la moitié sud de la France (Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, PACA et Corse), tandis qu’une proportion identique est observée au profit des huit régions de la moitié nord pour les 20 % de départements ayant la densité la moins élevée. Enfin, les régions méridionales comportant pour la plupart des massifs montagneux, les départements ayant la densité la plus élevée de courses à pied sont, pour une majorité d’entre eux, situés dans des zones au relief accidenté. C’est le cas de huit des dix départements de tête : Aude, Aveyron, Cantal, Corrèze et Creuse (Massif Central), Ariège et Hautes-Pyrénées (Pyrénées), Corse du Sud.
8Toutefois, si ce modèle de régression n’explique qu’un peu plus de la moitié de la variance, c’est peut-être parce que l’ubiquité du phénomène courses à pied est telle qu’il se traduit par une très large couverture spatiale, bien qu’inégalitaire en termes de densité, tant ce type d’épreuves sportives est devenu un levier d’animation territoriale, y compris dans de nombreuses petites communes.
Pour citer ce document
François Madoré, 2023 : « La course à pied en France, marqueur de la ruralité », in L. Lestrelin, Y. Le Lay, F. Madoré, S. Loret & S. Charrier Atlas des Sports [En ligne], eISSN : 2971-4133, mis à jour le : 13/06/2023, URL : https://atlas-des-sports.science:443/index.php?id=511, DOI : https://doi.org/10.48649/asds.511.
Autres planches in : Diffusion spatiale des sports
Bibliographie
Bessy O., Courir, De 1968 à nos jours. Tome 1 : Courir sans entraves, Pau, Cairn, 2021.
Massardier V., Vazquez H., « Les stratégies d’organisation des courses « hors stade » : un enjeu clé pour le développement du running, Sport Eco », Ministère des Sports, Note d’analyse, n° 17, 2019.https://www.sports.gouv.fr/sites/default/files/2023-01/note-d-analyse-n-17-les-strat-gies-d-organisation-des-courses-hors-stade-un-enjeu-cl-pour-le-d-veloppement-du-running-3292.pdf
Scheerder J., Breedveld K., Borgers J. (dir.), Running across Europe. The Rise and Size of one of the largest Sport Markets, Basingstoke (UK), Palgrave Macmillan, 2015. https://link.springer.com/book/10.1057/9781137446374
Segalen M., Les enfants d’Achille et de Nike. Éloge de la course à pied ordinaire, Paris, Métailié, 2017 https://doi.org/10.3917/meta.segal.1994.01.
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Résumé
La course à pied est en plein développement en France depuis quelques décennies et cette pratique s’accompagne d’une multiplication d’épreuves dans de nombreux territoires. Toutefois, les logiques géographiques à l’origine de la diffusion spatiale du phénomène n’ont jamais été analysées. L’analyse à l’échelle départementale fait ressortir une densité d’épreuves de courses à pied bien plus importante dans les départements les plus ruraux, en particulier ceux situés dans la moitié méridionale de l’hexagone.
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